<63> la Régente, Antoine de Brunswic, était beau-frère du Roi. La princesse de Mecklenbourg joignait à de l'esprit tous les caprices et les défauts d'une femme mal élevée; son mari, faible, sans génie, n'avait de mérite qu'une valeur d'instinct. Münnich, le mobile de leur élévation, le vrai héros de la Russie, était en même temps le dépositaire de l'autorité souveraine. Sous le prétexte de cette révolution, le Roi envoya le baron de Winterfeldt en ambassade en Russie, pour féliciter le prince de Brunswic et son épouse de l'heureux succès de cette entreprise. Le vrai motif, l'objet caché de cette mission était de gagner Münnich, beau-père de Winterfeldt, et de le rendre favorable aux desseins qu'on était sur le point d'exécuter; à quoi Winterfeldt réussit aussi heureusement qu'on le pouvait désirer.
Quelque précaution que l'on prît à Berlin de cacher l'expédition que l'on méditait, il était impossible de faire des magasins, de préparer du canon, et de mouvoir des troupes incognito : déjà le public se doutait de quelque entreprise. M. Demeradt, envoyé de l'Empereur à Berlin, avertit sa cour qu'un orage la menaçait, et qu'il pourrait bien fondre sur la Silésie. Le conseil de la Reine lui répondit de Vienne : « Nous ne voulons ni ne pouvons ajouter foi aux nouvelles que vous nous mandez. » On envoya pourtant le marquis de Botta à Berlin pour complimenter le Roi sur son avénement au trône, mais plus encore pour juger si Demeradt avait donné de fausses alarmes. Le marquis de Botta, fin et pénétrant, s'aperçut d'abord de quoi il était question; et, après avoir fait les compliments usités à son audience,a il s'étendit sur les incommodités de la route qu'il avait faite, et s'appesantit un peu sur les mauvais chemins de la Silésie, que les inondations avaient tellement rompus, qu'ils étaient devenus impraticables. Le Roi ne fit pas semblant de le comprendre, et répondit que le pis qui pût arriver à ceux qui auraient ces chemins à traverser, serait d'être des voyageurs crottés.
a 5 décembre.