<86> au lieu de saisir ces occasions, par une sécurité impardonnable il se laissa surprendre, et fut battu en grande partie par sa propre faute.
Le Roi donna encore plus de prise que lui à la censure : il fut averti à temps du projet des ennemis, et il ne prit aucune mesure suffisante pour s'en garantir; au lieu de marcher à Jägerndorf, pour éparpiller encore plus ses troupes, il aurait dû rassembler toute son armée, et la placer en cantonnements resserrés aux environs de Neisse; il se laissa couper du duc de Holstein, et se mit dans la nécessité de combattre dans une position où, en cas de malheur, il n'avait aucune retraite, où il risquait de perdre l'armée, et de se perdre lui-même; arrivé à Mollwitz, où l'ennemi cantonnait, au lieu de marcher avec vivacité pour séparer les cantonnements des troupes de la Reine, il perd deux heures à se former méthodiquement devant un village où aucun ennemi ne paraissait. S'il avait seulement attaqué ce village de Mollwitz, il y eût pris toute cette infanterie autrichienne, à peu près de même que vingt-quatre bataillons français le furent à Blenheim; mais il n'y avait dans son armée que le maréchal de Schwerin qui fût un homme de tête et un général expérimenté. Il régnait beaucoup de bonne volonté dans les troupes; mais elles ne connaissaient que les petits détails, et, faute d'avoir fait la guerre, elles n'allaient qu'en tâtonnant, et craignaient les partis décisifs. Ce qui sauva proprement les Prussiens, ce fut leur valeur et leur discipline. Mollwitz fut l'école du Roi et de ses troupes : ce prince fit des réflexions profondes sur toutes les fautes qu'il avait faites, et il tâcha de s'en corriger dans la suite.
Le duc de Holstein avait eu occasion de frapper un grand coup; mais pour lui les occasions étaient perdues. N'ayant point reçu d'ordre du Roi, il avait marché, sans trop savoir pourquoi, d'Ottmachau à Strehlen; il s'y trouva précisément le jour de la bataille, et entendit le feu des deux armées. Le 11, toutes les troupes des Autrichiens en déroute passèrent à un mille de son poste : il en aurait pu détruire les