3. A M. DARGET.
Potsdam, 24 mai 1749.
Votre lettre m'a bien été rendue, et je vous sais bon gré de la communication de vos nouvelles littéraires. Je voudrais que vous me fissiez venir de Paris les Mémoires du chevalier Temple,29-c les Lettres du cardinal d'Ossat,29-d et l'Essai sur le commerce, par Melon, et son roman politique.29-e Faites venir, de plus, les Commentaires de César, de<30> la belle édition de Londres, in-folio, et le Dictionnaire de l'Académie française, in-quarto.30-a Je désire que cette commission soit bien soignée. Quand je demande un livre, j'entends qu'on doit me l'envoyer en choisissant la plus belle, la plus correcte et la plus précieuse édition. Cela est clair, cela est simple; il n'y a que les Thieriots qui ne le comprennent pas. Je ne veux point du livre des peintures de Paris, à cause que je crains la séduction. Je vous suis obligé des soins que vous prenez de mon poëme; il devra toute sa beauté à l'éditeur. Quant à la soubrette de Paris, si elle ne veut de mon argent, je me moque de son minois; enfin je ne trouve point à propos d'augmenter l'argent destiné à l'entretien de la comédie. Ce peuple d'histrions est comme la mer, qui reçoit le tribut de mille rivières, sans en avoir jamais assez et sans se remplir davantage.
29-c Voyez t. I, p. 78.
29-d Voyez t. IX, p. 91.
29-e Jean-François Melon, mort à Paris en 1738, auteur de l'Essai politique sur le commerce, qui parut en 1734, avait publié, en 1729, Mahmoud le Gasnevide, histoire orientale, fragment traduit de l'arabe, avec des notes. C'est, dit Lenglet-Dufresnoy, une histoire allégorique de la régence. Nous présumons que c'est ce dernier ouvrage que Frédéric appelle un roman politique. M. Melon avait été secrétaire du duc d'Orléans, régent de France.
30-a Troisième édition, 1740.