18. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 25 juillet 1763.



Sire,

Je n'ai rien perdu pour avoir attendu. Bien loin de là, vos bontés, vos bienfaits, joints à la beauté et à la magnificence du service d'argent que V. M. vient de m'envoyer, surpassent de beaucoup mon attente.

Cent fois je fais réflexion et me dis : Pourquoi et par quel motif ce grand homme roi, ce cher et digne prince me comble-t-il de tant de grâces, et, plus que tout cela, m'honore-t-il depuis plus de trente ans d'une constante amitié?137-b Pardonnez l'expression, Sire, mais je<138> n'en connais point de plus précieuse ni de plus glorieuse pour moi. Mon amour-propre s'en trouve trop flatté. Enfin je m'y perds, et n'y trouve aucune raison à m'en attribuer les acquis; car, Sire, avec toute la science que possède V. M. du caractère des hommes, vous ne sauriez pénétrer les replis de mon cœur, ce qui seul néanmoins pourrait me consoler et tenir lieu de quelque chose, ne pouvant d'ailleurs vous prouver la réalité de mes sentiments.

Ma santé est bonne, Sire, puisque je ne sens aucun mal; je dors passablement bien, l'appétit est de même, grâce au chocolat et au quinquina de V. M., auxquels je l'attribue. C'est là le bon côté. Celui qui lui est opposé, ce sont les jambes, les hanches, la poitrine et la voix, que la moindre agitation met hors d'œuvre.

Je ne suis plus bon à rien, et rien ne m'est plus convenable que la vie de chanoine et le repos; ajoutez pour combler vos grâces, Sire, celle de m'en faire jouir pour le reste de mes jours. Je chanterai des horas à votre gloire et pour la prospérité de votre incomparable personne jusqu'au dernier instant de ma vie. Je suis, etc.


137-b Ces deux mots font peut-être allusion au nom de Constant que Frédéric portait comme chevalier de l'ordre de Bayard, qu'il avait institué à Rheinsberg et dont Fouqué était grand maître. Voyez ci-dessus, p. 126.