89. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.
Brandebourg, 8 janvier 1768.
Sire,
Je suis sensiblement touché de la mort du prince Henri, duquel à la vérité je n'ai eu de connaissance que de sa figure aimable. Les soins que vous avez pris, Sire, de son éducation, les espérances que vous fondiez sur le mérite de ce cher prince, et l'éloge que vous lui donnez, sont à la fois un témoignage de l'amitié que vous lui portiez et des bonnes qualités qu'il possédait. C'était, en un mot, votre ouvrage. J'assistais à son oraison funèbre à l'église du dôme, où l'on chantait une hymne qui me fit pleurer à chaudes larmes; c'était :
Das Grab ist da, die besten Jahre
Sind auch des blassen Todes Raub;
Er legt den Schönsten auf die Bahre,
Und wirft den Stärksten in den Staub;
Die Grabschrift, die die Tugend gräbt,
Macht, dass man auch im Tode lebt, u.s.w.181-a
<182>La perte de cet aimable prince est pour ainsi dire irréparable, si ce n'est, avec permission de V. M., qu'elle veuille redoubler ses soins pour le Prince de Prusse, auquel généralement l'on attribue le caractère d'honnête homme avec tous les sentiments qui y répondent. Vous le devez, Sire, à votre propre gloire, au sang et à l'État, de plus, à la reconnaissance et à l'obligation que ce prince vous en aura.
Je vous rends grâces, Sire, de l'exemplaire dont il vous a plu de m'honorer, et que j'estime un ouvrage parfait. Je suis, etc.
181-a Ces six vers, un peu changés par le général Fouqué, sont tirés de la quatrième et de la neuvième strophe de l'hymne de Benjamin Schmolck, pasteur à Schweidnitz, mort en 1737; elle commence ainsi :
Das Grab ist da, hier steht mein Bette,
Da ich den Tod umarmen soll, etc.