<106> mais sûrement, si j'ai alors des oreilles, elles entendront dire que vous avez rempli la devise de notre petit feu d'artifice à Cirey, spes humani generis.
Enfin, pour comble de bienfaits, monseigneur, vous m'envoyez une nouvelle ode de votre main. C'est ainsi que César, jeune et oisif, s'occupait. Lui et Auguste, et presque tous les bons empereurs, ont fait des vers; je citerais même les mauvais princes, mais je ne veux pas déshonorer la poésie.
Vous faites très-bien, grand prince, d'exercer aussi dans ce genre votre génie, qui s'étend à tout. Puisque vous avez fait à la langue française l'honneur de la savoir si bien, c'est un excellent moyen de la parler avec plus d'énergie que de mettre ses pensées en vers; car c'est l'essence des vers de dire plus et mieux que la prose. J'ai donc, une seconde fois, pris la liberté d'examiner très-scrupuleusement votre ouvrage. J'ose vous dire mon avis sur les moindres choses. Quelque parfaite connaissance que vous ayez de la langue française, on ne devine point par le génie certains tours, certaines façons de parler que l'usage établit parmi nous. Il est impossible de distinguer quelquefois le mot qui appartient à la prose, de celui que la poésie souffre, et celui qui est admis dans un genre, de celui qui n'est pas reçu. Je fais tous les jours de ces fautes quand j'écris en latin. Il est vrai que V. A. R. possède infiniment mieux le français que je ne sais la langue latine; mais enfin il y a toujours quelques petites virgules, quelques points sur les i à mettre; et je me charge, sous votre bon plaisir, de ce petit détail.
Je joins même à mes remarques sur votre ode quelques stances dans lesquelles, en suivant absolument toutes vos idées, je les présente sous d'autres expressions; et je n'ai cette témérité qu'afin que vous daigniez refondre mes stances, si vous daignez appliquer vos moments de loisir à rendre votre ode parfaite. Je sais que vous avez la noble ambition de songer à exceller dans tout ce que vous entre-