<108>nier paquet, et celui qui était destiné pour M. de Keyserlingk, sont parvenus à leur adresse; ces paquets étaient du commencement du mois d'août.
Vous m'ordonnez, monseigneur, de vous rendre compte de mes doutes métaphysiques; je prends la liberté de vous envoyer un extrait d'un chapitre sur la Liberté. V. A. R. y verra au moins de la bonne foi, si elle y trouve de l'ignorance; et plût à Dieu que tous les ignorants fussent au moins sincères!
Peut-être l'humanité, qui est le principe de toutes mes pensées, m'a séduit dans cet ouvrage; peut-être l'idée où je suis qu'il n'y aurait ni vice ni vertu; qu'il ne faudrait ni peine ni récompense; que la société serait, surtout chez les philosophes, un commerce de méchanceté et d'hypocrisie, si l'homme n'avait pas une liberté pleine et absolue; peut-être, dis-je, cette opinion m'a entraîné trop loin. Mais, si vous trouvez des erreurs dans mes pensées, pardonnez-les au principe qui les a produites.
Je ramène toujours, autant que je peux, ma métaphysique à la morale. J'ai examiné sincèrement, et avec toute l'attention dont je suis capable, si je peux avoir quelques notions de l'âme humaine; et j'ai vu que le fruit de toutes mes recherches est l'ignorance. Je trouve qu'il en est de ce principe pensant, libre, agissant, à peu près comme de Dieu même : ma raison me dit que Dieu existe; mais cette même raison me dit que je ne puis savoir ce qu'il est. En effet, comment connaîtrions-nous ce que c'est que notre âme, nous qui ne pouvons nous former aucune idée de la lumière, quand nous avons le malheur d'être nés aveugles? Je vois donc avec douleur que tout ce que l'on a jamais écrit sur l'âme ne peut nous apprendre la moindre vérité.
Mon principal but, après avoir tâtonné autour de cette âme pour deviner son espèce, est de tâcher au moins de la régler; c'est le ressort de notre horloge. Toutes les belles idées de Des Cartes sur l'élas-