<159>Mais, avant d'oser entrer en lice, je vais faire transcrire, pour mettre dans un paquet, deux Épîtres qui sont le commencement d'une espèce de système de morale que j'avais commencé il y a un an. Il y a quatre Épîtres de faites. Voici les deux premières : l'une roule sur l'égalité des conditions, l'autre sur la liberté. Cela est peut-être fort impertinent à moi, atome de Cirey, de dire à une tête presque couronnée que les hommes sont égaux, et d'envoyer des injures rimées, contre les partisans du fatum, à un philosophe qui prête un appui si puissant à ce système de la nécessité absolue.

Mais ces deux témérités de ma part prouvent combien V. A. R. est bonne. Elle ne gêne point les consciences. Elle permet qu'on dispute contre elle; c'est l'ange qui daigne lutter contre Israël. J'en resterai boiteux,a mais n'importe; je veux avoir l'honneur de me battre.

Pour l'égalité des conditions, je la crois aussi fermement que je crois qu'une âme comme la vôtre serait également bien partout. Votre devise est :

Nave ferar magna an parva, ferar unus et idem.b

Pour la liberté, il y a un peu de chaos dans cette affaire. Voyons si les Clarke, les Locke, les Newton, me doivent éclairer, ou si les Leibniz, princes ou non, doivent être ma lumière. On ne peut certainement rien de plus fort que tout ce que dit V. A. R. pour prouver la nécessité absolue. Je vois d'abord que V. A. R. est dans l'opinion de la raison suffisante de MM. Leibniz et Wolff. C'est une idée très-belle, c'est-à-dire très-vraie, car, enfin, il n'y a rien qui n'ait sa cause, rien qui n'ait une raison de son existence. Cette idée exclut-elle la liberté de l'homme?

1o Qu'entends-je par liberté? Le pouvoir de penser, et d'opérer


a Genèse, chap. XXXII, v. 20.

b Horace, Épîtres, liv. II, ép. 2. v. 200.