<18> d'un philosophe, les talents d'un historien et l'imagination brillante d'un poëte. Vous me faites un plaisir infini et bien sensible en me promettant de m'envoyer tous vos ouvrages. Je ne les mérite que par tout le cas que j'en fais.
Les monarques peuvent donner des trésors, des royaumes même, et tout ce qui peut flatter l'avarice, l'orgueil et la cupidité des hommes; mais toutes ces choses restent hors d'eux, et, loin de les rendre plus éclairésa qu'ils ne le sont, elles ne servent ordinairement qu'à les corrompre. Le présent que vous me promettez, monsieur, est de tout un autre usage. On trouve dans sa lecture de quoi corriger ses mœurs et éclairer son esprit. Bien loin d'avoir la folle présomption de m'ériger en juge de vos ouvrages, je me contente de les admirer; le but que je me propose dans mes lectures est de m'instruire. Ainsi que les abeilles, je tire le miel des fleurs, et je laisse les araignées convertir les fleurs en venin.
Ce n'est point par ma faible voix que votre renommée, déjà si bien établie, peut s'accroître; mais du moins sera-t-on obligé d'avouer que les descendants des anciens Goths et des peuples vandales, les habitants des forêts d'Allemagne, savent rendre justice au mérite éclatant, à la vertu et aux talents des grands hommes, de quelque nation qu'ils soient.
Je sais, monsieur, à quel chagrin je vous exposerais, si j'avais l'indiscrétion de communiquer les ouvrages manuscrits que vous voudrez bien me confier. Reposez-vous, je vous supplie, sur mes engagements à ce sujet; ma foi est inviolable.
Je respecte trop les liens de l'amitié pour vouloir vous arracher des bras d'Émilie. Il faudrait avoir le cœur dur et insensible pour exiger de vous un pareil sacrifice; il faudrait n'avoir jamais connu la douceur qu'il y a d'être auprès des personnes que l'on aime, pour ne pas sentir la peine que vous causerait une telle séparation. Je
a Et plus vertueux. (Variante des Œuvres posthumes, t. VIII, p. 233.)