<197> sans aucune acception de parti, sans même considérer d'autres principes plus métaphysiques qui combattent cette preuve morale. Vous verrez ensuite lequel il faudra préférer, ou de cette preuve morale qui est chez tous les hommes, ou de ces idées métaphysiques qui portent toujours le caractère de l'incertitude.
Mon second scrupule roule sur quelque chose de plus philosophique. Je vois que tout ce qu'on a jamais dit contre la liberté de l'homme se tourne encore avec bien plus de force contre la liberté de Dieu.
Si on dit que Dieu a prévu toutes nos actions, et que par là elles sont nécessaires, Dieu a aussi prévu les siennes, qui sont d'autant plus nécessaires, que Dieu est immuable. Si on dit que l'homme ne peut agir sans raison suffisante, et que cette raison incline sa volonté, la raison suffisante doit encore plus emporter la volonté de Dieu, qui est l'Etre souverainement raisonnable.
Si on dit que l'homme doit choisir ce qui lui paraît le meilleur, Dieu est encore plus nécessité à faire ce qui est le meilleur.
Voilà donc Dieu réduit à être l'esclave du destin; ce n'est plus un être qui se détermine par lui-même; c'est donc une cause étrangère qui le détermine; ce n'est plus un agent, ce n'est plus Dieu.
Mais si Dieu est libre, comme les fatalistes même doivent l'avouer, pourquoi Dieu ne pourra-t-il pas communiquer à l'homme un peu de cette liberté, en lui communiquant l'être, la pensée, le mouvement, la volonté, toutes choses également inconnues? Sera-t-il plus difficile à Dieu de nous donner la liberté que de nous donner le pouvoir de marcher, de manger, de digérer? Il faudrait avoir une démonstration que Dieu n'a pu communiquer l'attribut de la liberté à l'homme, et, pour avoir cette démonstration, il faudrait connaître les attributs de la Divinité; mais qui les connaît?
On dit que Dieu, en nous donnant la liberté, aurait fait des dieux de nous. Mais sur quoi le dit-on? pourquoi serais-je dieu avec un