<20> certes des traits de maître. Sans que je m'étende à faire l'anatomie du reste de cet ouvrage, qui est une des pièces les plus achevées que j'aie vues de ma vie, je vous en fais mes remercîments sincères, me trouvant heureux de l'avoir occasionné.
Je souhaiterais, monsieur, de pouvoir vous témoigner ma reconnaissance par une Épître en vers qui fût digne de vous être adressée. Mais comme les étoiles se cachent en la présence du soleil, dont la brillante lumière efface et ternit leur faible lueur, ainsi je sais imposer silence à ma verve novice et désavouée des Muses, quand il s'agit de vous écrire. Je sais que vos ouvrages n'ont aucun prix; ils portent en eux leur récompense, qui est l'immortalité. J'espère cependant que vous voudrez accepter, comme une marque de mon souvenir, le buste de Socrate,a que je vous envoie, en faveur de ce qu'il fut le plus grand homme de la Grèce, et le maître qui forma Alcibiade. Faisant abstraction de ce dont la calomnie le noircit, je pourrais le mettre en parallèle avec vous; mais, craignant de blesser votre modestie, si je vous disais sur ce sujet le tiers de ce que je pense, je me contenterai de le dire à toute la terre, qui me servira d'organe pour faire parvenir jusqu'à vous les sentiments d'estime et d'admiration avec lesquels je suis à jamais, monsieur, etc.
5. AU MÊME.
Remusberg, 13 novembre 1736.
Voltaire, ce n'est point le rang et la puissance,
Ni les vains préjugés d'une illustre naissance,
Qui peuvent procurer la solide grandeur.
a Ce buste formait une pomme de canne en or. (Note de l'édition de Kehl.)