51. AU MÊME.
Ruppin, 19 avril 1738.
Monsieur, j'y perds de toutes les façons lorsque vous êtes malade, tant par l'intérêt que je prends à tout ce qui vous touche, que par la perte d'une infinité de bonnes pensées que j'aurais reçues, si votre santé l'avait permis.
Pour l'amour de l'humanité, ne m'alarmez plus par vos fréquentes indispositions, et ne vous imaginez pas que ces alarmes soient métaphoriques; elles sont trop réelles, pour mon malheur. Je tremble de vous appliquer les deux plus beaux vers que Rousseau ait peut-être faits de sa vie :
Et ne mesurons point au nombre des années
La course des héros,a
Césarion m'a fait un rapport exact de l'état de votre santé. J'ai consulté des médecins sur ce sujet; ils m'ont assuré, foi de médecins, que je n'avais rien à craindre pour vos jours; mais, pour votre incommodité, qu'elle ne pouvait être radicalement guérie, parce que le mal était trop invétéré. Ils ont jugé que vous deviez avoir une obstruction dans les viscères du bas-ventre, que quelques ressorts se sont relâchés, que des flatuositésb ou une espèce de néphrétique sont la cause de vos incommodités. Voilà ce que, à plus de cent lieues, la Faculté en a jugé. Malgré le peu de foi que j'ajoute à la décision de ces messieurs, plus incertaine souvent que celle des métaphysiciens, je vous prie cependant, et cela véritablement, de faire dresser le statum
a Voyez t. VII, p. 25.
b Ou que des flegmes, des flatuosités, etc. (Variante des Œuvres posthumes, t. X, p. 125.)