<211> comme de votre patrimoine. Je vous reconnais toujours aux grands sentiments. Vous les sentez si bien, qu'il vous est facile de les exprimer.
Comment parler de mes pièces, après avoir parlé des vôtres? Ce qu'il vous plaît d'en dire sent un tant soit peu l'ironie. Mes vers sont les fruits d'un arbre sauvage; les vôtres sont d'un arbre franc. En un mot :
Tandis que l'aigle altier s'élève dans les airs,
L'hirondelle rase la terre.
Philomèle est ici l'emblème de mes vers;
Quant à l'oiseau du dieu qui porte le tonnerre,
Il ne convient qu'au seul Voltaire.
Je me conforme entièrement à votre sentiment touchant les pièces de théâtre. L'amour, cette passion charmante, ne devrait y être employé que comme des épiceries que l'on met dans certains ragoûts, mais qu'on ne prodigue pas, de crainte d'émousser la finesse du palais. Mérope mérite de toutes manières de corriger le goût corrompu du public, et de relever Melpomène du mépris que les colifichets de ses ornements lui attirent. Je me repose bien sur vous des corrections que vous aurez faites aux deux derniers actes de cette tragédie. Peu de chose la rendrait parfaite; elle l'est assurément à présent.
Corneille, après lui Racine, ensuite La Grange, ont épuisé tous les lieux communs de la galanterie et du théâtre. Crébillon a mis, pour ainsi dire, les Furies sur la scène; toutes ses pièces inspirent de l'horreur, tout y est affreux, tout y est terrible. Il fallait absolument, après eux, quitter une route usée, pour en suivre une plus neuve, une plus brillante.
Les passions que vous mettez sur le théâtre sont aussi capables que l'amour d'émouvoir, d'intéresser et de plaire. Il n'y a qu'à les bien traiter et les produire de la manière que vous le faites dans la Mérope et dans la Mort de César.