<230>Elle n'a fait qu'un Frédéric; puisse-t-il rester en ce monde aussi longtemps que son nom!
Je jure à V. A. R. que, dès que vous aurez repris possession du château de Cirey, il ne sera plus question de la capucinade que vous me reprochez si héroïquement. Mais, monseigneur, Socrate sacrifiait quelquefois avec les Grecs. Il est vrai que cela ne le sauva pas; mais cela peut sauver les petits socratins d'aujourd'hui :
Félix, quem faciunt aliena pericula cautum!II y avait une fois un beau jeune lion qui passait hardiment auprès d'un ânon que son maître chargeait et battait : « N'as-tu pas de honte, dit ce lion à l'ânon, de te laisser mettre ainsi deux paniers sur le dos? - Monseigneur, lui répondit l'ânon, quand j'aurai l'honneur d'être lion, ce sera mon maître qui portera mes paniers. »
Tout ânon que je suis, voici une Épître assez ferme que j'ai l'honneur de joindre à ce paquet. Je serais curieux de savoir ce qu'un Wolff en penserait, si sapientissimus Wolffius pouvait lire des vers français. Je voudrais bien avoir l'avis d'un Jordan, qui sera, je crois, digne successeur de M. de Beausobre; surtout d'un Césarion, mais surtout, surtout de V. A. R., de vous, grand prince et grand homme, qui réunissez tous les talents de ceux dont je parle.
V. A. R. a lu, sans doute, l'excellent livre de M. de Maupertuis.a Un homme tel que lui fonderait à Berlin (dans l'occasion) une Académie des sciences qui serait au-dessus de celle de Paris.
J'ai reçu une lettre de M. de Keyserlingk, de l'Éphestion de Remusberg; vous avez, grand prince, ce qui manque à ceux qui sont ce que vous serez un jour, vous avez de vrais amis.
Je suis étonné de voir par la lettre de V. A. R., non datée, qu'elle n'a point reçu les quatre actes de la Mérope, accompagnés d'une assez
a La Figure de la terre. Paris, 1738. Voyez la lettre de Frédéric à Maupertuis, du 20 juin de la même année, t. XVII, p. 373.