<257>Je me sens extrêmement flatté de l'approbation que la marquise et vous donnez à mon ouvrage; cela m'encouragera à faire mieux. Je vais vous répondre à présent sur toutes vos interrogations, charmé de ce que vous voulez m'en faire, et prêt à vous alléguer mes autorités.
Ce n'est point un badinage, il y a du sérieux dans ce que j'ai dit du projet du maréchal de Villars, que le ministère de France vient d'adopter. Cela est si vrai, qu'on en est instruit par plus d'une voix, et que ce projet redoutable intrigue plus d'une puissance. On ne verra que par la suite des temps tout ce qu'il entraînera de funeste. Ou je suis bien trompé, ou il nous préparera de ces événements qui bouleversent les empires et qui font changer de face à l'Europe.
La comparaison que vous faites de la France à un homme riche et prudent, entouré de voisins prodigues et malheureux, est aussi heureuse qu'on en puisse trouver; elle met très-bien en évidence la force des Français et la faiblesse des puissances qui l'environnent; elle en découvre la raison, et elle permet à l'imagination de percer par les siècles qui s'écouleront après nous, pour y voir le continuel accroissement de la monarchie française, émané d'un principe toujours constant, toujours uniforme, de cette puissance réunie sous un chef despotique, qui, selon toutes les apparences, engloutira un jour tous ses voisins.
C'est de cette manière qu'elle tient la Lorraine de la désunion de l'Empire et de la faiblesse de l'Empereur. Cette province a passé de tout temps pour un fief de l'Empire; autrefois elle a fait une partie du cercle de Bourgogne, démembré de l'Empire par cette même France; et de tout temps les ducs de Lorraine ont eu séance aux diètes. Ils ont payé les mois romains, ils ont fourni dans les guerres leurs contingents, et ils ont rempli tous les devoirs de princes de l'Empire. Il est vrai que le duc Charles a embrassé souvent le parti de la France ou bien des Espagnols; mais il n'était pas moins membre de l'Empire