<313>Mandez-moi, je vous prie, des nouvelles de votre santé; j'appréhende beaucoup que ces persécutions et ces affaires continuelles qu'on vous fait ne l'altèrent plus qu'elle ne l'est déjà. Je suis avec bien de l'estime, mon cher ami, etc.

83. AU MÊME.

Remusberg, 15 avril 1739.

J'ai été sensiblement attendri du récit touchant que vous me faites de votre déplorable situation. Un ami à la distance de quelques centaines de lieues paraît un homme assez inutile dans le monde; mais je prétends faire un petit essai en votre faveur, dont j'espère que vous retirerez quelque utilité. Ah! mon cher Voltaire, que ne puis-je vous offrir un asile où assurément vous n'auriez rien de semblable à souffrir que le sont les chagrins que vous donne votre ingrate patrie! Vous ne trouveriez chez moi ni envieux, ni calomniateurs, ni ingrats; on saurait rendre justice à vos mérites, et distinguer parmi les hommes ce que la nature a si fort distingué parmi ses ouvrages.

Je voudrais pouvoir soulager l'amertume de votre condition, et je vous assure que je pense aux moyens de vous servir efficacement. Consolez-vous toujours de votre mieux, mon cher ami, et pensez que, pour établir une égalité de conditions parmi tous les hommes,a il vous fallait des revers capables de balancer les avantages de votre génie, de vos talents, et de l'amitié de la marquise.

C'est dans des occasions semblables qu'il nous faut tirer de la phi-


a Premier Discours de Voltaire sur l'Homme. Sur l'Égalité des conditions. Voyez ci-dessus, p. 186.