<316>Ce qui me charme infiniment, c'est que je vois toujours, monseigneur, un fonds inépuisable de philosophie dans vos moindres amusements.
Quant à cette autre philosophie plus incertaine qu'on nomme physique, elle entrera sans doute dans votre sanctuaire, et vos objections sont déjà des instructions.
Il faut bien que les rayons de lumière soient de la matière, puisqu'on les divise, puisqu'ils échauffent, qu'ils brûlent, qu'ils vont et viennent, puisqu'ils poussent un ressort de montre exposé près du foyer de verre du prince de Hesse. Mais si c'est une matière précisément comme celle dont nous avons trois ou quatre notions, si elle en a toutes les propriétés, c'est sur quoi nous n'avons que des conjectures assez vraisemblables.
A l'égard de l'espace que remplissent les rayons du soleil, ils sont si loin de composer un plein absolu dans le chemin qu'ils traversent, que la matière qui sort du soleil en un an ne contient peut-être pas deux pieds cubes, et ne pèse peut-être pas deux onces.
Le fait est que Römer a très-bien démontré, malgré les Maraldi, que la lumière vient du soleil à nous en sept minutes et demie; et, d'un autre côté, Newton a démontré qu'un corps qui se meut dans un fluide de même densité que lui perd la moitié de sa vitesse après avoir parcouru trois fois son diamètre, et bientôt perd toute sa vitesse. Donc il résulte que la lumière, en pénétrant un fluide plus dense qu'elle, perdrait sa vitesse beaucoup plus vite, et n'arriverait jamais à nous; donc elle ne vient qu'à travers l'espace le plus libre.
De plus, Bradley a découvert que la lumière qui vient de Sirius à nous n'est pas plus retardée dans son cours que celle du soleil. Si cela ne prouve pas un espace vide, je ne sais pas ce qui le prouvera.
Votre idée, monseigneur, de réfuter Machiavel est bien plus digne d'un prince tel que vous que de réfuter de simples philosophes; c'est la connaissance de l'homme, ce sont ses devoirs qui font votre étude