<317> principale; c'est à un prince comme vous à instruire les princes. J'oserais supplier avec la dernière instance V. A. R. de s'attacher à ce beau dessein et de l'exécuter.
Cette bonté que vous conservez, monseigneur, pour la Henriade ne vient sans doute que des idées très-opposées au machiavélisme que vous y avez trouvées. Vous avez daigné aimer un auteur également ennemi de la tyrannie et de la rébellion. V. A. R. est encore assez bonne pour m'ordonner de lui rendre compte des changements que j'ai faits. J'obéis.
1o Le changement le plus considérable est celui du combat de d'Ailly contre son fils.a Il m'a paru que cette aventure, touchante par elle-même, n'avait pas une juste étendue, qu'on n'émeut point les cœurs en ne montrant les objets qu'en passant. J'ai tâché de suivre le bel exemple que Virgile donne dans Nisus et Euryale. Il faut, je crois, présenter les personnages assez longtemps aux yeux pour qu'on ait le temps de s'y attacher. J'aime les images rapides, mais j'aime à me reposer quelque temps sur des choses attendrissantes.
Le second changement le plus important est au dixième chant. Le combat de Turenne et d'Aumale me semblait encore trop précipité. J'avais évité la grande difficulté qui consiste à peindre les détails; j'ai lutté, depuis, contre cette difficulté, et voici les vers :
O Dieu! cria Turenne, arbitre de mon roi, etc.bJe suis, je crois, monseigneur, le premier poëte qui ait tiré une comparaison de la réfraction de la lumière, et le premier Français qui ait peint des coups d'escrime portés, parés et détournés.
In tenui labor; at tenuis non gloria, si quem
Numina laeva sinunt auditque vocatus Apollo.c
a La Henriade, chant VIII, v. 205 et suivants.
b L. c., chant X, v. 107.
c Virgile, Géorgiques, livre IV, v. 6 et 7.