<356>L'autre, au fond d'un sérail signant l'ordre sinistre,
De sang-froid de la guerre allume les flambeaux.
Monarques malheureux, ce sont vos mains fatales
Qui nourrissent les feux de ces embrasements;
La Haine, l'Intérêt, déités infernales,
Précipitent vos pas dans ces égarements.
Accablés sous le poids de nombreuses provinces,
Vous en voulez encor ravir à d'autres princes!
Payez de votre sang les frais de votre orgueil;
Laissez le fils tranquille, et le père à ses filles;
Qu'ainsi que les succès, les malheurs et le deuil
Ne touchent de l'Etat que vos seules familles.
Ce globe spacieux qu'enferme l'univers,
Ce globe, des humains la commune patrie,
Où cent peuples nombreux, de cent climats divers,
Ne forment, rassemblés, qu'une ample colonie,
Distingués par leurs traits, par leurs religions,
Leurs coutumes, leurs mœurs et leurs opinions,
Du ciel, qui les forma sur un même modèle,
Reçurent tous des cœurs, et c'était pour s'aimer.
Détestez, insensés, votre rage cruelle;
L'amour ne pourra-t-il jamais vous désarmer?
De leur destin cruel mon âme est attendrie;
Et d'un sort si funeste aveugles artisans,
Dieu! quel acharnement! avec quelle furie
Les voit-on retrancher la trame de leurs ans!
Européens, Chinois, habitants de l'Afrique,
Et vous, fiers citoyens des bords de l'Amérique,
Mon cœur, également ému de vos malheurs,
Condamne les combats, déplore les misères
Où vous plongent sans fin vos barbares fureurs,
Et je ne vois en vous que mon sang et mes frères.
Que l'univers enfin, dans les bras de la paix,
Réprouvant ses erreurs, abandonne les armes;