<377> un saint Jean qui promet beaucoup de l'ouvrage qui va le suivre. Je serais content, et très-content, si de ma vie j'avais fait une tragédie comme celle des Musulmans, sans correction; mais il n'est pas permis à tout le monde d'aller à Athènes.a
Je vous soumets les douze premiers chapitres de mon Antimachiavel, qui, quoique je les aie retouchés, fourmillent encore de fautes. Il faut que vous soyez le père putatif de ces enfants, et que vous ajoutiez à leur éducation ce que la pureté de la langue française demande pour qu'ils puissent se présenter au public. Je retoucherai, en attendant, les autres chapitres, et les pousserai à la perfection que je suis capable d'atteindre. C'est ainsi que je fais l'échange de mes faibles productions contre vos ouvrages immortels, à peu près comme les Hollandais, qui troquent des petits miroirs et du verre contre l'or des Américains; encore suis-je bien heureux d'avoir quelque chose à vous rendre.
Les dissipations de la cour et de la ville, des complaisances, des plaisirs, des devoirs indispensables, et quelquefois des importuns, me distraient de mon travail; et Machiavel est souvent obligé de céder la place à ceux qui pratiquent ses maximes, et que je réfute, par conséquent. Il faut s'accommoder à ces bienséances qu'on ne saurait éviter, et, quoi qu'on en ait, il faut sacrifier au dieu de la coutume, pour ne point passer pour singulier ou pour extravagant.
Ce M. de Valori,b si longtemps annoncé par la voix du public, si souvent promis par les gazettes, si longtemps arrêté à Hambourg, est arrivé enfin à Berlin. Il nous fait beaucoup regretter La Chétardie. M. de Valori nous fait apercevoir tous les jours ce que nous avons perdu au premier. Ce n'est à présent qu'un cours théorique des guerres du Brabant, des bagatelles et des minuties de l'armée française; et je vois sans cesse un homme qui se croit vis-à-vis de l'ennemi
a Voyez t. XX, p. 320, et ci-dessus, p. 205.
b Voyez t. XVII, p. vi, et p. 347-352.