<388>qu'un mot de vos ouvrages immortels!a Je dois cependant vous rendre compte de mes études. L'approbation que vous donnez aux cinq chapitres de Machiavel que je vous ai envoyés m'encourage à finir bientôt les quatre derniers chapitres. Si j'avais du loisir, vous auriez déjà tout l'Antimachiavel, avec des corrections et des additions; mais je ne puis travailler qu'à bâtons rompus.

Très-occupé pour ne rien faire,
Le temps, cet être fugitif,
S'envole d'une aile légère;
Et l'âge pesant et tardif
Glace ce sang bouillant et vif
Qui, dans ma jeunesse première,
Me rendait vigilant, actif.
On m'ennuie en cérémonie;
L'ordre pédant, la symétrie,
Tiennent, en ce séjour oisif,
Lieu des plaisirs de cette vie,
Et nous encensent sur l'autel
Des grandeurs et de la folie.
Ce sacrifice ponctuel
Rendant mon âme appesantie,
Et par les respects assoupie,
Incapable, en ce temps cruel,
De me frotter à Machiavel,
J'attends que, fuyant cette rive,
Je revole à cet heureux bord
Où la nature plus naïve,
Où la gaîté bien moins craintive,
Loin des richesses et de l'or,
Trouvent une grâce plus vive
Dans la liberté, ce trésor,
Que dans la grandeur excessive
Des fortunes qu'offre le sort.

Les chapitres de Machiavel sont copiés par un de mes secrétaires.


a Comment vous parler de mes faibles productions, après vous avoir parlé de vos ouvrages immortels? (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 88.)