<400>Qu'il périrait content de vous avoir fait naître!
Qu'en vous laissant au monde, il laisse de bienfaits!
Qu'il se repentirait .... Mais j'en dis trop peut-être;
Je vous admire, et je me tais.
Je ne m'attendais pas, monseigneur, à cette lettre du 26 février, que j'ai reçue le 9 mars; celle-ci partira lundi 14, parce que ce sera le jour de la poste d'Amsterdam.
J'ignore actuellement votre situation, mais je ne vous ai jamais tant aimé et admiré. Si vous êtes roi, vous allez rendre beaucoup d'hommes heureux; si vous restez prince royal, vous allez les instruire. Si je me comptais pour quelque chose, je désirerais, pour mon intérêt, que vous restassiez dans votre heureux loisir, et que vous pussiez encore vous amuser à écrire de ces choses charmantes qui m'enchantent et qui m'éclairent. Étant roi, vous n'allez être occupé qu'à faire fleurir les arts dans vos États, à faire des alliances sages et avantageuses, à établir des manufactures, à mériter l'immortalité. Je n'entendrai parler que de vos travaux et de votre gloire; mais probablement je ne recevrai plus de ces vers agréables, ni de cette prose forte et sublime qui vous donnerait bien une autre sorte d'immortalité, si vous vouliez. Un roi n'a que vingt-quatre heures dans la journée; je les vois employées au bonheur des hommes, et je ne vois pas qu'il puisse y avoir une minute de réservée pour le commerce littéraire dont V. A. R. m'a honoré avec tant de bonté. N'importe; je vous souhaite un trône, parce que j'ai l'honnêteté de préférer la félicité de quelques millions d'hommes à la satisfaction de mon individu.
J'attends toujours vos derniers ordres sur le Machiavel; je compte que vous ordonnerez que je fasse imprimer la traduction de La Houssaye à côté de votre réfutation. Plus vous allez réfuter Machiavel par votre conduite, plus j'espère que vous permettrez que l'antidote préparé par votre plume soit imprimé.