<427>reuse obscurité, je suis forcé de monter sur le grand théâtre du monde.
Si j'avais cette liberté d'esprit que vous me supposez, je vous enverrais autre chose que de mauvais vers; mais apprenez que ce ne sont pas là les derniers, et que vous êtes encore menacé d'une nouvelle Épître. Encore une Épître! direz-vous. Oui, mon cher Voltaire, encore une Epître; il en faut passer par là.
A propos de vers, j'ai vu une tragédie de Gresset, intitulée Édouard. La versification m'en a paru heureuse, mais il m'a semblé que les caractères étaient mal peints. Il faut étudier les passions pour les mettre en action; il faut connaître le cœur humain, afin qu'en imitant son ressort, l'automate du théâtre ressemble et agisse conformément à la nature. Gresset n'a point puisé à la bonne source, autant qu'il me paraît. Les beautés de détail peuvent rendre sa tragédie supportable à la lecture; mais elles ne suffisent pas pour la soutenir à la représentation.
Autre est la voix d'un perroquet,
Autre est celle de Melpomène.
Celui qui a lâché ce lardon à Gresset n'a pas mal attrapé ses défauts. Il y a je ne sais quoi de mou et de languissant dans le rôle d'Edouard, qui ne peut guère inspirer que de l'ennui à l'auditeur.
Ennuyé des longueurs du sieur Pine, j'ai pris la résolution de faire imprimer la Henriade sous mes yeux. Je fais venir exprès la plus belle imprimerie à caractères d'argent qu'on puisse trouver en Angleterre. Tous nos artistes travaillent aux estampes et aux vignettes. Quoi qu'il en coûte, nous produirons un chef-d'œuvre digne de la matière qu'il doit présenter au public.
Je serai votre Renommée;
Ma main, de sa trompette armée,
Publiera dans tout l'univers
Vos vertus, vos talents, vos vers.