<47>de votre personne à tout le monde. Je dis : Ubi est Deus meus?a Deus tuus, me répond-on, a le plus beau régiment de l'Europe; Deus tuus excelle dans les arts et dans les plaisirs; il est plus instruit qu'Alcibiade, joue de la flûte comme Télémaque, et est fort au-dessus de ces deux Grecs; et alors je dis comme le vieillard Siméon :

Quand mes yeux verront-ils le sauveur de ma vie?b

J'aurais déjà dû adresser à V. A. R. cette Philosophie promise et cette Pucelle non promise; mais premièrement croyez, monseigneur, que je n'ai pas eu un instant dont j'aie pu disposer. Secondement, cette Pucelle et cette Philosophie vont tout droit à la ciguë. Troisièmement, soyez persuadé que la curiosité que vous excitez dans l'Europe, comme prince et comme être pensant, a continuellement les yeux sur vous. On épie nos démarches et nos paroles; on mande tout, on sait tout.

Il y a par le monde des vers charmants qu'on attribue à Auguste-Virgile-Frédéric, quand Tournemine dit :

Il avouera, voyant cette figure immense.
Que la matière pense,c

Ce n'est pas V. A. R. qui m'a envoyé cela; d'où le sais-je? Croyez, monseigneur, que tout ministre étranger, quelque attaché qu'il vous soit, et quelque aimable qu'il puisse être, sacrifiera tout au petit mérite de conter des nouvelles aux supérieurs qui l'emploient. Cela dit, j'enverrai à Wésel le paquet que j'ose adresser à V. A. R.; mais permettez encore que je vous répète, comme Lucrèce à Memmius :

Tantum religio potuit suadere malorum.d


a Psaume XLI, v. 4 et 11, selon la Vulgate. (Psaume XLII, v. 4 et 11, selon la traduction de Luther.)

b Saint Luc. chap. II, v. 30. Voyez t. XIX, p. 180.

c On voit par la lettre de Frédéric, du 6 mars 1737, que ces vers faisaient partie d'une épigramme, d'ailleurs inconnue, qu'il avait faite sur M. La Croze.

d Voyez t. XVIII, p. 62, et t. XIX, p. 72.