<49>Triomphant de l'envie, iront d'âges en âges
De la postérité recueillir les suffrages,
Et feront en tout temps le charme des esprits.
De tes vers immortels un pied, un hémistiche,
Où tu places mon nom comme un saint dans sa niche,
Me fait participer à l'immortalité
Que le nom de Voltaire avait seul mérité.
Qui saurait qu'Alexandre le Grand exista jadis, si Quinte-Curce et quelques fameux historiens n'eussent pris soin de nous transmettre l'histoire de sa vie? Le vaillant Achille et le sage Nestor n'auraient pas échappé à l'oubli des temps, sans Homère qui les célébra. Je ne suis, je vous assure, ni une espèce ni un candidat de grand homme; je ne suis qu'un simple individu qui n'est connu que d'une petite partie du continent, et dont le nom, selon toutes les apparences, ne servira jamais qu'à décorer quelque arbre de généalogie, pour tomber ensuite dans l'obscurité et dans l'oubli. Je suis surpris de mon imprudence lorsque je fais réflexion que je vous adresse des vers. Je désapprouve ma témérité dans le temps que je tombe dans la même faute. Despréaux dita que
Un âne, pour le moins, instruit par la nature,
A l'instinct qui le guide obéit sans murmure,
Ne va point follement, de sa bizarre voix,
Défier aux chansons les oiseaux dans les bois.
Je vous prie, monsieur, de vouloir bien être mon maître en poésie, comme vous le pouvez être en tout. Vous ne trouverez jamais de disciple plus docile et plus souple que je le serai. Bien loin de m'offenser de vos corrections, je les prendrai comme les marques les plus certaines de l'amitié que vous avez pour moi.
Un entier loisir m'a donné le temps de m'occuper à la science qui me plaît. Je tâche de profiter de cette oisiveté et de la rendre utile
a Satire VIII, v. 247-250.