<52> vous méritez. Marquez, je vous prie, à madame la marquise du Châtelet qu'il n'y a qu'elle seule à qui je puisse me résoudre de céder M. de Voltaire, comme il n'y a qu'elle seule aussi qui soit digne de vous posséder.

Quand même Cirey serait à l'autre bout du monde, je ne renonce pas à la satisfaction de m'y rendre un jour. On a vu des rois voyager pour de moindres sujets, et je vous assure que ma curiosité égale l'estime que j'ai pour vous. Est-il étonnant que je désire voir l'homme le plus digne de l'immortalité, et qui la tient de lui-même?

Je viens de recevoir des lettres de Berlin, d'où l'on m'écrit que le résident de l'Empereur avait reçu la Pucelle imprimée. Ne m'accusez pas d'indiscrétion. Je suis avec toute l'estime imaginable, monsieur, etc.

16. DE VOLTAIRE.

(Cirey) mars 1737.

Deliciae humani generis, ce titre vous est plus cher que celui de monseigneur, d'altesse royale et de majesté, et ne vous est pas moins dû.

Je dois d'abord rendre compte à V. A. R. de mes marches, car enfin je me suis fait votre sujet. Nous avons, nous autres catholiques, une espèce de sacrement que nous appelons la confirmation; nous y choisissons un saint pour être notre patron dans le ciel, notre espèce de dieu tutélaire. Je voudrais bien savoir pourquoi il me serait permis de me choisir un petit dieu plutôt qu'un roi. Vous êtes fait pour être mon roi, bien plus assurément que saint François d'Assise ou saint Dominique ne sont faits pour être mes saints. C'est donc à mon