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17. A VOLTAIRE.

Remusberg, 7 avril 1787.

Monsieur, il n'y a pas jusqu'à votre manière de cacheter qui ne me soit garant des attentions obligeantes que vous avez pour moi. Vous me parlez d'un ton extrêmement flatteur, vous me comblez de louanges, vous me donnez des titres qui n'appartiennent qu'à de grands hommes, et je succombe sous le faix de ces louanges.

Mon empire sera bien petit, monsieur, s'il n'est composé que de sujets de votre mérite. Faut-il des rois pour gouverner des philosophes? des ignorants pour conduire des gens instruits? en un mot, des hommes pleins de leurs passions pour contenir les vices de ceux qui les suppriment, non par la crainte des châtiments, non par la puérile appréhension de l'enfer et des démons, mais par amour de la vertu?

La raison est votre guide, elle est votre souveraine, et Henri le Grand, le saint qui vous protége. Une autre assistance vous serait superflue. Cependant, si je me voyais, relativement au poste que j'occupe, en état de vous faire ressentir les effets des sentiments que j'ai pour vous, vous trouveriez en moi un saint qui ne se ferait jamais invoquer en vain; je commence par vous en donner un petit échantillon. Il me paraît que vous souhaitez d'avoir mon portrait; vous le voulez, je l'ai commandé sur l'heure.

Pour vous montrer à quel point les arts sont en honneur chez nous, apprenez, monsieur, qu'il n'est aucune science que nous ne tâchions d'ennoblir. Un de mes gentilshommes, nommé Knobelsdorff,a qui ne borne pas ses talents à savoir manier le pinceau, a tiré ce portrait. Il sait qu'il travaille pour vous, et que vous êtes connaisseur : c'est un aiguillon qui suffit pour l'animer à se surpasser.


a Voyez t. VII, p. 37-42.