<80>taphysique dont V. A. R. daigne me faire présent. J'espère que cette seconde partie me donnera des ailes pour m'élever vers l'être simple; ma misérable pesanteur me rabaisse toujours vers l'être étendu.
Quand est-ce que j'aurai des ailes pour aller rendre mes respects à l'être le moins simple, le plus universel qui existe dans le monde, à V. A. R.?
Madame la marquise du Châtelet attend avec impatience cet homme aimable que Frédéric appelle son ami, cet Éphestion de cet Alexandre.
Monseigneur, je vais enfin user de vos bontés, je vais prendre la liberté de mettre en usage votre caractère bienfaisant. Je demande instamment une grâce au prince philosophe.
Je m'avisai, je ne sais comment, il y a quelques années, d'écrire une espèce d'histoire de cet homme moitié Alexandre, moitié Don Quichotte, de ce roi de Suède si fameux. M. Fabrice, qui avait été sept ans auprès de lui, l'envoyé de France et l'envoyé d'Angleterre, un colonel de ses troupes, m'avaient donné des mémoires. Ces messieurs ont très-bien pu se tromper, et j'ai senti combien il était difficile d'écrire une histoire contemporaine. Tous ceux qui ont vu les mêmes événements les ont vus avec des yeux différents; les témoins se contredisent. Il faudrait, pour écrire l'histoire d'un roi, que tous les témoins fussent morts, comme à Rome on attend, pour faire un saint, que ses maîtresses, ses créanciers, ses valets de chambre ou ses pages soient enterrés.
De plus, je me reproche fort d'avoir barbouillé deux tomes pour un seul homme, quand cet homme n'est pas vous.
J'ai honte surtout d'avoir parlé de tant de combats, de tant de maux faits aux hommes; je m'en repens d'autant plus, que quelques officiers ont dit, en parlant de ces combats, que je n'avais pas dit vrai, attendu que je n'avais pas parlé de leurs régiments; ils supposaient que je devais écrire leur histoire.