<83> naïveté, cette sincérité et cette noble confiance que vous me témoignez dans toutes les occasions, méritent bien que je vous donne le titre d'ami.
Je voudrais que vous fussiez le précepteur des princes, que vous leur apprissiez à être hommes, à avoir des cœurs tendres, que vous leur fissiez connaître le véritable prix des grandeurs, et le devoir qui les oblige à contribuer au bonheur des humains.
Mon pauvre Césarion a été arrêté tout court par la goutte. Il s'en est défait du mieux qu'il a pu, et s'est mis en chemin pour Cirey. C'est à vous de juger s'il ne mérite pas toute l'amitié que j'ai pour lui.
En prenant congé de mon petit ami, je lui ai dit : Songez que vous allez au paradis terrestre, à un endroit mille fois plus délicieux que l'île de Calypso; que la déesse de ces lieux ne le cède en rien à la beauté de l'enchanteresse de Télémaque; que vous trouverez en elle tous les agréments de l'esprit, si préférables à ceux du corps : que cette merveille occupe son loisir par la recherche de la vérité. C'est là que vous verrez l'esprit humain dans son dernier degré de perfection, la sagesse sans austérité, entourée des tendres Amours et des Ris. Vous y verrez, d'un côté, le sublime Voltaire, et de l'autre, l'aimable auteur du Mondain; celui qui sait s'élever au-dessus de Newton, et qui, sans s'avilir, sait chanter Phyllis. De quelle façon, mon cher Césarion, pourra-t-on vous faire abandonner un séjour si plein de charmes? Que les liens d'une vieille amitié sont faibles contre tant d'appas!
Je remets mes intérêts entre vos mains; c'est à vous, monsieur, de me rendre mon ami. Il est peut-être l'unique mortel digne de devenir citoyen de Cirey; mais souvenez-vous que c'est tout mon bien, et que ce serait une injustice criante de me le ravir.
J'espère que mon petit ambassadeur reviendra chargé de la toison d'or, c'est-à-dire, de votre Pucelle et de tant d'autres pièces à moitié promises, mais encore plus impatiemment attendues. Vous savez que