<91>teste la superstition. Si la plupart des rois ont encouragé le fanatisme dans leurs États, c'est qu'ils étaient ignorants, c'est qu'ils ne savaient pas que les prêtres sont leurs plus grands ennemis.
En effet, y a-t-il un seul exemple, dans l'histoire du monde, de prêtres qui aient entretenu l'harmonie entre les souverains et leurs sujets? Ne voit-on pas partout, au contraire, des prêtres qui ont levé l'étendard de la discorde et de la révolte? Ne sont-ce pas les presbytériens d'Ecosse qui ont commencé cette malheureuse guerre civile qui a coûté la vie à Charles Ier, à un roi qui était honnête homme? N'est-ce pas un moine qui a assassiné Henri III, roi de France? L'Europe n'est-elle pas encore remplie des traces de l'ambition ecclésiastique? Des évêques devenus princes, et ensuite vos confrères dans l'électoral, un évêque de Rome foulant aux pieds les empereurs, n'en sont-ils pas d'assez forts témoignages?
Pour moi, quand je songe à quel point les hommes sont faibles et fous, je suis toujours étonné que, dans les temps d'ignorance, les papes n'aient pas eu la monarchie universelle.
Je suis persuadé qu'il ne tient à présent qu'à un souverain d'étouffer chez lui toutes semences de fureur religieuse et de discorde ecclésiastique. Il n'y a qu'à être honnête homme et nullement dévot; les hommes, tout sots qu'ils sont, sentent bien dans leur cœur que la vertu vaut mieux que la dévotion. Sous un roi dévot, il n'y a que des hypocrites; un roi honnête homme forme des hommes comme lui.
J'ose ainsi penser tout haut devant V. A. R., car votre caractère divin m'encourage à tout. Je viens de finir une conversation avec M. de Keyserlingk; il a encore enflammé mon zèle et mon admiration pour votre personne. Tout mon malheur est d'avoir une santé qui probablement m'empêchera d'être le témoin du bien que vous ferez aux hommes, et des grands exemples que vous donnerez. Heureux ceux qui verront ces beaux jours! D'autres verront de près la