<93>Sait lancer son venin au sein de ta patrie,
Que mon simple suffrage, enfant de l'équité.
Te tienne du moins lieu de la postérité!
Où prenez-vous, monsieur, tout le temps pour travailler? Ou vos moments valent le triple de ceux des autres, ou votre génie heureux et fécond surpasse celui de l'ordinaire des grands hommes. A peine avez-vous achevé d'éclaircir la Philosophie de Newton, que vous travaillez à enrichir le théâtre français d'une tragédie nouvelle; et cette pièce qui, selon les apparences, n'a pas encore quitté le chantier, est déjà suivie d'un nouvel ouvrage que vous projetez.
Vous voulez faire au Czar l'honneur d'écrire son histoire en philosophe. Non content d'avoir surpassé tous les auteurs qui vous ont précédé, par l'élégance, la beauté et l'utilité de vos ouvrages, vous voulez encore les surpasser par le nombre. Empressé à servir le genre humain, vous consacrez votre vie entière au bien public. La Providence vous avait réservé pour apprendre aux hommes à préférer la lyre d'Amphion, qui élevait les murs de Thèbes, à ces instruments belliqueux qui faisaient tomber ceux de Jéricho.
Le témoignage de quelques vérités découvertes et de quelques erreurs détruites est, à mon avis, le plus beau trophée que la postérité puisse ériger à la gloire d'un grand homme. Que n'avez-vous donc pas à prétendre, vous qui êtes aussi fidèle au culte de la vérité que zélé destructeur des préjugés et de la superstition?
Vous vous attendez, sans doute, à recevoir par cet ordinaire tous les matériaux nécessaires pour commencer l'ouvrage auquel vous vous êtes proposé de travailler. Quelle sera votre surprise quand vous ne recevrez qu'une Métaphysique et des vers! C'est cependant tout ce que j'ai pu vous envoyer. Une Métaphysique diffuse et un copiste paresseux ne font guère de chemin ensemble.
J'ai lu avec beaucoup d'attention votre raisonnement géométrique et pressant sur les infiniment petits. Je vous avoue tout ingénument