<94>que je n'ai aucune idée de l'infini. Je crois que nous ne différons que dans la façon de nous exprimer. Je vous avoue encore que je ne connais que deux sortes de nombres, des nombres pairs et des nombres impairs : or, l'infini étant un nombre ni pair ni impair, qu'est-il donc?
Si je vous ai bien compris, votre sentiment, qui est aussi le mien, est que la matière, relativement aux hommes, est divisible infiniment; ils auront beau décomposer la matière, ils n'arriveront jamais aux unités qui la composent. Mais, réellement et relativement à l'essence des choses, la matière doit nécessairement être composée d'un amas d'unités qui en sont les seuls principes, et que l'auteur de la nature a jugé à propos de nous cacher. Or, qui dit matière, sans l'idée de ces unités jointes et arrangées ensemble, dit un mot qui n'a aucun sens. La modification de ces unités détermine ensuite la différence des êtres.
M. Wolff est peut-être le seul philosophe qui ait eu la hardiesse de faire la définition de l'être simple. Nous n'avons de connaissance que des choses qui tombent sous nos sens, ou qu'on peut exprimer par des signes; mais nous ne pouvons avoir de connaissance intuitive des unités, parce que jamais nous n'aurons d'instruments assez fins pour pouvoir séparer la matière jusqu'à ce point. La difficulté est à présent de savoir comment on peut expliquer une chose qui n'a jamais frappé nos sens. Il a fallu nécessairement donner de nouvelles définitions et des définitions différentes de tout ce qui a rapport avec la matière.
M. Wolff, pour arriver à cette définition, nous y prépare par celle qu'il fait de l'espace et de l'étendue. Si je ne me trompe, il s'en explique ainsi :
« L'espace est le vide qui est entre les parties, de façon que tout être qui a des pores occupe toujours un espace entre eux. Or, tous les êtres composés doivent avoir des pores, les uns plus sensibles »