<142> faites point injustice sur mon caractère; d'ailleurs il vous est permis de badiner sur mon sujet comme il vous plaira.
Adieu, cher Voltaire; je vous aime, je vous estime, et vous aimerai toujours.
199. AU MÊME.
Potsdam, 6 avril 1743.
Mon cher Voltaire, vous me comblez de biens, pendant que je garde sur vous un morne silence; je reçois les fruits précieux de votre amitié, de vos veilles et de votre étude, lorsque je cours encore de province en province, sans pouvoir fixer mon étoile errante et reprendre mes anciens errements.
Me voilà enfin de retour de Breslau, après avoir politique, financé et martialisé de reste. Je compte de goûter à présent quelque repos, et de recommencer mon commerce avec les Muses. Je vous enverrai bientôt l'Avant-propos de mes Mémoires. Je ne puis vous envoyer tout l'ouvrage, car il ne peut paraître qu'après ma mort et celle de mes contemporains, et cela, parce qu'il est écrit en toute vérité, et que je ne me suis éloigné en quoi que ce soit de la fidélité qu'un historien doit mettre dans ses récits. Votre Histoire de l'esprit humain est admirable; mais qu'elle est humiliante pour notre espèce et pour la Providence même, si pourtant elle fait choix de ceux qui doivent gouverner le monde et servir de ressort aux changements qui arrivent sur la terre!
Je suis bien fâché d'apprendre que la grippe vous ait si fort abattu. Je me flatte que l'esprit soutiendra le corps, comme l'huile fait durer la flamme dans la lampe.