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206. DE VOLTAIRE.

La Haye, dans votre vaste et ruiné palais, 13 juillet 1743.

Mon roi, je n'ai pas l'honneur d'être de ces héros qui voyagent avec la fièvre quarte; je deviens manichéen, j'adopte deux principes dans le monde. Le bon principe est l'humanité de mon héros, le second est le mal physique, et celui-là m'empêche de jouir du premier.

Souffrez donc, mon adorable monarque, que l'âme qui est si mal à son aise dans ce chétif corps ne se mette point en chemin, dans l'incertitude de trouver V. M. Si elle est pour quelques semaines à Berlin, j'y vole; si elle court toujours, et si, du fond de la Silésie, elle va à Aix-la-Chapelle, j'irai l'y attendre dans un bain chaud, qui le sera moins que votre imagination.

J'ai l'honneur de lui envoyer une dose d'opium dans ses courses; c'est un paquet de phrases académiques. S. M. y verra le Discours de Maupertuis, accompagné de quelques remarques de madame du Châtelet. Plût à Dieu que les Français ne fissent pas d'autres fautes que celles que madame du Châtelet a crayonnées! L'Empereur aurait la Bohême, et du moins souperait à Munich, au lieu de manquer de tout à Francfort.a

Mais, Sire, malgré les nobles retraites de votre ami de Strasbourg,b et malgré la faute faite à Dettingen,c il paraît que les Français n'ont pas manqué de courage; les seuls mousquetaires, au nombre de deux cent cinquante, ont percé cinq lignes des Anglais, et n'ont guère cédé qu'en mourant; la grande quantité de notre noblesse tuée ou blessée est une preuve de valeur assez incontestable. Que ne


a Voyez t. II, p. 124.

b Voyez t. III, p. 11 et 12; t. XIV, p. 185; et ci-dessus, p. 107.

c Voyez t. III, p. 13-15.