<291> qui a un cœur reconnaissant? Je n'ai point la folle présomption de croire que Berlin vaut Paris. Si les richesses, la grandeur et la magnificence font une ville aimable, nous le cédons à Paris. Si le bon goût, peut-être plus généralement répandu, se trouve dans un endroit du monde, je sais et je conviens que c'est à Paris. Mais vous, ne portez-vous pas ce goût partout où vous êtes? Nous avons des organes qui nous suffisent pour vous applaudir; et, en fait de sentiments, nous ne le cédons à aucun pays du monde. J'ai respecté l'amitié qui vous liait à madame du Châtelet; mais après elle, j'étais un de vos plus anciens amis. Quoi! parce que vous vous retirez dans ma maison, il sera dit que cette maison devient une prison pour vous! Quoi! parce que je suis votre ami, je serais votre tyran! Je vous avoue que je n'entends pas cette logique-là; que je suis fermement persuadé que vous serez fort heureux ici tant que je vivrai, que vous serez regardé comme le père des lettres et des gens de goût, et que vous trouverez en moi toutes les consolations qu'un homme de votre mérite peut attendre de quelqu'un qui l'estime. Bonsoir.a

268. DE VOLTAIRE.

Dans votre Parnasse de Pharasmane,b 8 octobre 1750.

Vous êtes roi sévère et citoyen humain;
Vous l'avez dit,c la chose est véritable.
Comme roi, je vous sers; vous m'admettez à table


a La quintessence de cette lettre a été publiée dans La vie privée du roi de Prusse, ou Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire, écrits par lui-même. A Amsterdam, 1784, in-12, p. 75.

b Voyez t II, p. 22, et t. XIX, p. 176.

c Épître à mon Esprit. Voyez t. X, p. 258.