<295> me suis jamais corrigé de la maudite idée d'aller toujours en avant dans toutes les affaires, et, quoique très-persuadé qu'il y a mille occasions où il faut savoir perdre et se taire, et quoique j'en eusse l'expérience, j'ai eu la rage de vouloir prouver que j'avais raison contre un homme avec lequel il n'est pas même permis d'avoir raison. Comptez que je suis au désespoir, et que je n'ai jamais senti une douleur si profonde et si amère. Je me suis privé, de gaîté de cœur, du seul objet pour qui je suis venu; j'ai perdu des conférences qui m'éclairaient et qui me ranimaient; j'ai déplu au seul homme à qui je voulais plaire. Si la reine de Saba avait été dans la disgrâce de Salomon, elle n'aurait pas plus souffert que moi. Je peux répondre au Salomon d'aujourd'hui que tout son génie n'est pas capable de me faire sentir ma faute au point où mon cœur me la fait sentir. J'ai une maladie bien cruelle, mais elle n'approche pas, en vérité, de mon affliction, et cette affliction n'est égale qu'à ce tendre et respectueux attachement qui ne finira qu'avec ma vie.
272. DU MÊME.
Février 1751.
Sire, Votre Majesté joint à ses grands talents celui de connaître les hommes. Mais, pour moi. je ne comprends pas comment, dans ma retraite (royale à la vérité, mais encore plus philosophique), dans laquelle on n'a rien à se disputer, et qui devrait être l'asile de la paix, le diable peut encore semer sa zizanie. Pourquoi souleva-t-on d'Arnaud contre moi? pourquoi le rendit-on méchant? pourquoi corrompit-on mon secrétaire? pourquoi m'a-t-on attaqué auprès de