306. DE VOLTAIRE.a
(Juillet 1752.)
Sire, vous contâtes hier l'histoire de Gustave Wasa avec une éloquence si animée, que vous nous enchantâtes tous. J'espère que, quand V. M. aura pris le fort Balbi,b et donné quelque combat paisible, elle s'amusera à mettre en vers ce qu'elle nous dit hier en prose d'une manière si vive et si touchante. En vérité, il y a un homme bien extraordinaire dans le monde :
Il est grand roi tout le matin,
Après dîner grand écrivain,
Tout le jour philosophe humain,
Et le soir convive divin.
C'est un assez joli destin;
Puisse-t-il n'avoir point de fin!
On me presse d'aller à Paris; on veut que j'aille voir jouer cette tragédiec que vous aimez et que vous protégez. Oui, tarare; je ne quitterai point mon grand homme pour aller chez des gens qui demandent des billets de confession.
Pardon, Sire; on ne peut s'empêcher de vous chérir malgré son profond respect.
a Cette lettre est tirée du journal Der Freymüthige, 1803, p. 6.
b Fort construit à Potsdam, au mois de juillet 1752, par Jean de Balbi, lieutenant-colonel du génie, pour l'instruction des officiers de l'armée prussienne.
c Rome sauvée, ou Catilina.