144. A VOLTAIRE.
Remusberg, octobre 1740.
Je suis honteux de vous devoir trois lettres, mais je le suis bien plus encore d'avoir toujours la fièvre. En vérité, mon cher Voltaire, nous sommes une pauvre espèce; un rien nous dérange et nous abat.
J'ai profité de vos avis touchant M. de Liége, et vous verrez que mes droits seront imprimés dans les gazettes. Cependant l'affaire se termine, et je crois que, dans quinze jours, mes troupes pourront évacuer le comté de Horn.a
Césarion vous aura répondu touchant M. du Châtelet. J'espère que vous serez content de sa réponse.
En vérité, je me repens d'avoir écrit le Machiavel, car les disputes où il vous entraîne avec van Duren font au monde lettré une espèce de banqueroute de quinze jours de votre vie.
J'attends le Mahomet avec bien de l'impatience.
Voudriez-vous engager le comédien, auteur de Mahomet II,b et lui enjoindre de lever une troupe en France, et de l'amener à Berlin le 1er de juin 1741? Il faut que la troupe soit bonne et complète pour le tragique et le comique, les premiers rôles doubles.
Je me suis enfin ravisé sur le savant à tant de langues;c vous me
a Voltaire écrit à M. de Camas, de la Haye, le 18 octobre 1740 :
« J'ai tout lieu d'espérer que la conduite du roi justifiera en tout l'Antimachiavel du prince. J'en juge par ce qu'il me fait l'honneur de m'écrire, du 7 octobre, au sujet de Herstal : Ceux qui ont cru que je voulais garder le comté de Horn, au lieu de Herstal, ne mont pas connu. Je n'aurais eu d'autres droits sur Horn que ceux que le plus fort a sur les biens du plus faible. »
Ce passage ne se trouve pas dans le texte qui nous est parvenu de la lettre du 7 octobre : peut-être faisait-il suite, dans l'original, au second alinéa de notre no 144.
b La Noue. Voyez t. XIX, p. 26 et 36.
c M. Du Molard. Voyez t. XVII, p. 76, 79 et 92.