151. A VOLTAIRE.a
Remusberg, 21 octobre 1740.
Mon cher Voltaire, je vous suis mille fois obligé de tous les bons offices que vous me rendez, du Liégeois que vous abattez, de van Duren que vous retenez, et, en un mot, de tout le bien que vous me faites. Vous êtes enfin le tuteur de mes ouvrages, et le génie heureux que sans doute quelque être bienfaisant m'envoie pour me soutenir et m'inspirer.
O vous, mortels ingrats! ô vous, cœurs insensibles!
Qui ne connaîssez point l'amour ni la pitié,
Qui n'enfantez jamais que des projets nuisibles,
Adorez l'Amitié.
La vertu la fit naître, et les dieux la douèrent
De l'honneur scrupuleux, de la fidélité;
Les traits les plus brillants et les plus doux l'ornèrent
De la divinité.
Elle attire, elle unit les âmes vertueuses,
Leur sort est au-dessus de celui des humains;
Leurs bras leur sont communs, leurs armes généreuses
Triomphent des destins.
Tendre et vaillant Nisus, vous, sensible Euryale,
Héros dont l'amitié, dont le divin transport
Sut resserrer les nœuds de votre ardeur égale
Jusqu'au sein de la mort;
a Cette lettre, tirée des Œuvres posthumes, t. IX, p. 120-125, se trouve aussi dans l'édition de Kehl, t. LXV, p. 56, sous le numéro 27, et la date du 24 octobre 1740.