<11>vez avoir plus d'ennemis à combattre qu'il n'en eut quand il revint à Stralsund. Mais il y a une chose bien sûre, c'est que vous aurez plus de réputation que lui dans la postérité, parce que vous avez remporté autant de victoires sur des ennemis plus aguerris que les siens, et que vous avez fait à vos sujets tous les biens qu'il n'a pas faits, en ranimant les arts, en fondant des colonies, en embellissant les villes. Je mets à part d'autres talents aussi supérieurs que rares, qui auraient suffi à vous immortaliser. Vos plus grands ennemis ne peuvent vous ôter aucun de ces mérites; votre gloire est donc absolument hors d'atteinte. Peut-être cette gloire est-elle actuellement augmentée par quelque victoire; mais nul malheur ne vous l'ôtera. Ne perdez jamais de vue cette idée, je vous en conjure.
Il s'agit à présent de votre bonheur; je ne parlerai pas aujourd'hui des Treize Cantons. Je m'étais livré au plaisir de dire à V. M. combien elle est aimée dans le pays que j'habite; mais je sais qu'en France elle a beaucoup de partisans. Je sais très-positivement qu'il y a bien des gens qui désirent le maintien de la balance que vos victoires avaient établie. Je me borne à vous dire des vérités simples, sans oser me mêler en aucune façon de politique; cela ne m'appartient pas. Permettez-moi seulement de penser que, si la fortune vous était entièrement contraire, vous trouveriez une ressource dans la France, garante de tant de traités; que vos lumières et votre esprit vous ménageraient cette ressource; qu'il vous resterait toujours assez d'États pour tenir un rang très-considérable dans l'Europe; que le Grand Électeur, votre bisaïeul, n'en a pas été moins respecté pour avoir cédé quelques-unes de ses conquêtes. Permettez-moi, encore une fois, de penser ainsi, en vous soumettant mes pensées. Les Caton et les Othon, dont V. M. trouve la mort belle, n'avaient guère autre chose à faire qu'à servir ou qu'à mourir; encore Othon n'était-il pas sûr qu'on l'eût laissé vivre; il prévint, par une mort volontaire, celle qu'on lui eût fait souffrir. Nos mœurs et votre situation sont bien loin d'exiger