<117> infortunes qu'essuyaient les armées françaises. Il arrive, pendant cette effervescence, que le ministère de Versailles a besoin d'argent, et il sacrifie au clergé, qui en promet, des philosophes qui n'en ont point, et qui n'en peuvent donner. Pour moi, qui ne demande ni argent ni bénédiction, j'offre des asiles aux philosophes, pourvu qu'ils soient sages, qu'ils soient aussi pacifiques que le beau titre dont ils se parent le sous-entend; car toutes les vérités ensemble qu'ils annoncent ne valent pas le repos de l'âme, seul bien dont les hommes puissent jouir sur l'atome qu'ils habitent. Pour moi, qui suis un raisonneur sans enthousiasme, je désirerais que les hommes fussent raisonnables, et surtout qu'ils fussent tranquilles.
Nous connaissons les crimes que le fanatisme de religion a l'ait commettre. Gardons-nous d'introduire le fanatisme dans la philosophie; son caractère doit être la douceur et la modération. Elle doit plaindre la fin tragique d'un jeune homme qui a commis une extravagance; elle doit démontrer la rigueur excessive d'une loi faite dans un temps grossier et ignorant; mais il ne faut pas que la philosophie encourage à de pareilles actions, ni qu'elle fronde des juges qui n'ont pu prononcer autrement qu'ils l'ont fait.
Socrate n'adorait pas les deos majorum et minorum gentium; toutefois il assistait aux sacrifices publics. Gassendi allait à la messe, et Newton au prône.
La tolérance, dans une société, doit assurer à chacun la liberté de croire ce qu'il veut; mais cette tolérance ne doit pas s'étendre à autoriser l'effronterie et la licence de jeunes étourdis qui insultent audacieusement à ce que le peuple révère. Voilà mes sentiments, qui sont conformes à ce qu'assurent la liberté et la sûreté publique, premier objet de toute législation.
Je parie que vous pensez, en lisant ceci : Cela est bien allemand, cela se ressent bien du flegme d'une nation qui n'a que des passions ébauchées.