<143> de France. Les Calas, les Sirven, et La Barre, devraient ouvrir les yeux au gouvernement, et le porter à la réforme des procédures criminelles; mais on ne corrige les abus que quand ils sont parvenus à leur comble. Quand ces cours de justice auront fait rouer quelque duc et pair par distraction, les grandes maisons crieront, les courtisans mèneront grand bruit, et les calamités publiques parviendront au trône.
Pendant la guerre, il y avait une contagion à Breslau;a on enterrait cent vingt personnes par jour; une comtesse dit : « Dieu merci, la grande noblesse est épargnée; ce n'est que le peuple qui meurt. » Voilà l'image de ce que pensent les gens en place, qui se croient pétris de molécules plus précieuses que ce qui fait la composition du peuple qu'ils oppriment. Cela a été ainsi presque de tout temps. L'allure des grandes monarchies est la même. Il n'y a guère que ceux qui ont souffert l'oppression qui la connaissent et la détestent. Ces enfants de la fortune, qu'elle a engourdis dans la prospérité, pensent que les maux du peuple sont exagération, que des injustices sont des méprises; et, pourvu que le premier ressort aille, il importe peu du reste.
Je souhaite, puisque la destinée du monde est d'être mené ainsi, que la guerre s'écarte de votre habitation, et que vous jouissiez paisiblement dans votre retraite d'un repos qui vous est dû, sous les ombrages des lauriers d'Apollon; je souhaite encore que, dans cette douce retraite, vous ayez autant de plaisir que vos ouvrages en ont donné à vos lecteurs. A moins d'être au troisième ciel,b vous ne sauriez être plus heureux.
a Voyez t. IV, p. 206, et t. XIX, p. 341.
b Au premier ciel. (Variante des Œuvres posthumes, t. X. p. 42.)