<159>ries avec l'impératrice de Russie, le fait est que j'ai été longtemps mourant, et que je me meurs.
Mais je ressuscite, et je reprends tous mes sentiments envers V. M. et toute ma philosophie pour lui écrire aujourd'hui, au sujet d'une petite extravagance anglaise qui regarde votre personne. Elle se doutera bien que cette démence anglaise n'est pas gaie; il y a beaucoup de sages en Angleterre; mais il y a autant de sombres enthousiastes. L'un de ces énergumènes, qui peut-être a de bonnes intentions, s'est avisé de faire imprimer dans la gazette de la cour, qu'on appelle The Whitehall Evening-Post, le 7 octobre, une prétendue lettre de moi à V. M., dans laquelle je vous exhorte à ne plus corrompre la nation que vous gouvernez. Voici les propres mots fidèlement traduits : « Quelle pitié, si l'étendue de vos connaissances, vos talents et vos vertus ne vous servaient qu'à pervertir ces dons du ciel pour faire la misère et la désolation du genre humain! Vous n'avez rien à désirer, Sire, dans ce monde, que l'auguste titre d'un héros chrétien. »
Je me flatte que ce fanatique imprimera bientôt une lettre de moi au Grand Turc Mustapha, dans laquelle j'exhorterai Sa Hautesse à être un héros mahométan; mais comme Mustapha n'a veine qui tende à le faire un héros, et que ma véritable héroïne, l'impératrice de Russie, y a mis bon ordre, je ne crois pas que j'entreprenne cette conversion turque. Je m'en tiens aux princes et aux princesses du Nord, qui me paraissent plus éclairés que tout le sérail de Constantinople.
Je ne réponds autre chose à l'auteur qui m'impute cette belle lettre à V. M. que ces quatre lignes-ci : « J'ai vu dans le Whitehall Evening-Post du 7 octobre 1769, no 3668, une prétendue lettre de moi à Sa Majesté le roi de Prusse. Cette lettre est bien sotte; cependant je ne l'ai point écrite. Fait à Ferney, le 29 octobre 1769. Voltaire. »
Il y a partout, Sire, de ces esprits également absurdes et méchants, qui croient ou qui font semblant de croire qu'on n'a point de reli-