<166>qu'il se conservera une teinture de science, une étincelle de goût, tant qu'il y aura des esprits qui aimeront des pensées sublimes, tant qu'il se trouvera des oreilles sensibles à l'harmonie, vos ouvrages dureront, et votre nom remplira l'espace des siècles qui mène à l'éternité. Pour les miens, on dira : C'est beaucoup que ce roi n'ait pas été tout à fait imbécile; cela est passable; s'il était né particulier, il aurait pourtant pu gagner sa vie en se faisant correcteur chez quelque libraire; et puis on jette là le livre, et puis on en fait des papillotes, et puis il n'en est plus question.

Mais comme ne fait pas des vers qui veut, et qu'on barbouille du papier plus facilement en prose, je vous envoie un mémoirea destiné pour l'Académie. Le sujet est grave, la matière est philosophique,b et je me flatte que vous conviendrez du principe que j'ai tâché de démontrer de mon mieux.

J'espère que cela me vaudra quelques brochures de Ferney. Si vous voulez, nous barroteronsc nos marchandises; c'est un commerce que j'espère faire avec avantage, car les denrées de Ferney valent mieux que tout ce que la Thrace peut produire.

J'attends sur cela votre réponse, vous assurant que personne ne connaît mieux le prix du solitaire du Caucase que le Philosophe de Sans-Souci.


a Essai sur l'amour-propre envisagé comme principe de morale. Voyez t. IX, p. 99-114.

b Voyez t. XXI, p. 312.

c Nous échangerons. (Variante des Œuvres posthumes, t. X, p. 54.)