<18> courage, avec infiniment moins de lumières et moins de compassion pour ses peuples, fit la paix avec le Czar sans s'avilir.a Il ne m'appartient pas d'en dire davantage, et votre raison supérieure vous en dit cent fois plus.

Je dois me borner à représenter à V. M. combien sa vie est nécessaire à sa famille, aux États qui lui demeureront, aux philosophes qu'elle peut éclairer et soutenir, et qui auraient, croyez-moi, beaucoup de peine à justifier devant le public une mort volontaire, contre laquelle tous les préjugés s'élèveraient. Je dois ajouter que, quelque personnage que vous fassiez, il sera toujours grand.

Je prends, du fond de ma retraite, plus d'intérêt à votre sort que je n'en prenais dans Potsdam et dans Sans-Souci. Cette retraite serait heureuse, et ma vieillesse infirme serait consolée, si je pouvais être assuré de votre vie, que le retour de vos bontés me rend encore plus chère.

J'apprends que monseigneur le Prince de Prusse est très-malade; c'est un nouveau surcroît d'affliction, et une nouvelle raison de vous conserver. C'est très-peu de chose, j'en conviens, d'exister pour un moment, au milieu des chagrins, entre deux éternités qui nous engloutissent; mais c'est à la grandeur de votre courage à porter le fardeau de la vie, et c'est être véritablement roi que de soutenir l'adversité en grand homme.


a Voyez t. XIX, p. 227.