<218> pas dans mon testament; il peut compter qu'il n'aura rien de moi pour sa peine. Je puis assurer V. M. que mes dernières volontés sont absolument différentes de celles qu'on me prête. Je ne crains point la mort qui s'approche de moi à grands pas, et qui s'est déjà emparée de mes yeux, de mes dents et de mes oreilles; mais j'ai une aversion invincible pour la manière dont on meurt dans notre sainte religion catholique, apostolique et romaine. Il me paraît extrêmement ridicule de se faire huiler pour aller dans l'autre monde, comme on fait graisser l'essieu de son carrosse en voyage. Cette sottise, et tout ce qui s'ensuit, me répugnent si fort, que je suis tenté de me faire porter à Neufchâtel pour avoir le plaisir de mourir chez vous; il eût été plus doux d'y vivre.
Je viens de recevoir une lettre dont monseigneur le Prince royal m'honore; il pense bien sensément, et paraît très-digne d'être votre neveu. Jamais il n'y eut tant d'esprit dans le Nord, depuis le soixante et unième degré jusqu'au cinquante-deux et demi. Il n'y a, ce me semble, que les confédérés de Pologne à qui on puisse reprocher de se servir, pour leur malheur, de la sorte d'esprit qu'ils ont.
On dit qu'Ali-Bey en a beaucoup, et autant que d'ambition. Il court actuellement de mauvais bruits sur sa personne. Pour votre amie l'étoile du Nord, elle acquiert tous les jours un nouvel éclat; il n'y a que votre étoile qui marche à côté de la sienne. Pour le croissant de Mustapha, je le crois plus obscurci que jamais.
Je me mets aux pieds de V. M. avec le plus profond respect.
Je reçois dans ce moment la lettre dont V. M. m'honore, du 19 mars. Oui, sans doute, vous êtes un auteur grave et très-grave, quoique votre imagination soit très-riante.
Je voudrais bien que tout s'accommodât, pourvu que ma princesse donnât la liberté aux dames du sérail, et des fêtes sur le Bosphore. Je ne prétends point du tout à ses odalisques; c'est la récompense de ses braves guerriers. Je suis plus près d'avoir un rendez-vous