<332> que vous ayez jamais faits; ni roi, ni homme ne vous ressemble; je ne suis pas assurément en état de vous rendre vers pour vers.
Muses, que je me sens confondre!
Vous daignez encor m'inspirer
L'esprit qu'il faut pour l'admirer,
Mais non celui de lui répondre.
Je puis du moins répondre à V. M. que mon cœur est pénétré des bontés que vous daignez témoigner pour ce pauvre Morival. Je voudrais qu'il pût, au milieu de nos neiges, lever le plan du pays que vous lui avez permis d'habiter; V. M. verrait combien il s'est formé, en très-peu de temps, dans un art nécessaire aux bons officiers, et très-rare, dont il n'avait pas la plus légère connaissance; vous serez touché de sa reconnaissance, et du zèle avec lequel il consacre ses jours à votre service. Son extrême sagesse m'étonne toujours; on a dessein de faire revoir son procès, qu'on ne lui a fait que par contumace. Ce parti me paraît plus convenable et plus noble que celui de demander grâce; car enfin grâce suppose crime, et assurément il n'est point criminel, on n'a rien prouvé contre lui. Cela demandera un peu de temps, et il se peut très-bien que je meure avant que l'affaire soit finie; mais j'ai légué cet infortuné à M. d'Alembert, qui réussira mieux que je n'aurais pu faire.
J'ose croire qu'il ne serait peut-être pas de votre dignité qu'un de vos officiers restât avec le désagrément d'une condamnation qui a toujours dans le public quelque chose d'humiliant, quelque injuste qu'elle puisse être. En vérité, c'est une de vos belles actions de protéger un jeune homme si estimable et si infortuné; vous secourrez à la fois l'innocence et la raison; vous apprendrez aux Velches à détester le fanatisme, comme vous leur avez appris le métier de la guerre, supposé qu'ils l'aient appris. Vous avez toutes les sortes de gloire; c'en est une bien grande de protéger l'innocence à trois cents lieues de chez soi.