Hâtez vos pas, volez au Louvre;
Je vois d'ici la pompe et le jour solennel
Où la main de Louis vous couvre,
Aux vœux de ses sujets, d'un laurier immortel.
Je compte de recevoir bientôt de vos lettres datées de Paris. Croyez-moi, il vaut mieux faire le voyage de Versailles que celui de la vallée de Josaphat. Mais voici une seconde lettre qui me survient; on me demande de quel officier elle est. C'est, dis-je, du lieutenant-général Voltaire, qui m'envoie quelque plan de son invention. Vous passerez pour l'émule de Vauban; dans la suite on construira des bastions, des ravelins et des contre-gardes à la Voltaire, et l'on attaquera les places selon votre méthode.
Pour le pauvre d'Étallonde, je n'augure pas bien de son affaire, à moins que votre séjour à Paris, et le talent de persuader que vous possédez si supérieurement, n'encouragent quelques âmes vertueuses à vous assister. Mais le parlement ne voudra pas obtempérer; revêche à l'égard de son réinstituteura Maurepas, que ne sera-t-il pas envers vous!
Je viens de lire votre traduction du Tasse,b qu'un heureux hasard a fait tomber en mes mains. Si Boileau avait vu cette traduction, il aurait adouci la sentence rigoureuse qu'il prononça contre le Tasse.c Vous avez même conservé les paragraphes qui répondent aux stances de l'original. A présent l'Europe ne produit rien; il semble qu'elle se repose, après avoir fourni de si abondantes moissons les siècles passés. Il paraît une tragédie de Dorat;d le sujet m'a paru fort embrouillé. L'intérêt partagé entre trois personnes, et les passions n'étant qu'ébauchées, m'ont laissé froid à la lecture. Peut-être l'art des comédiens
a Restituteur. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 253.)
b Cette traduction n'est point de Voltaire, mais de Lebrun.
c Art poétique, chant III, v. 209-216.
d Les Deux Reines, drame en prose, imprimé en 1769. L'auteur en fit depuis son Adélaïde de Hongrie, tragédie en cinq actes et en vers, 1774.