<357> vos ouvrages. Je vous en félicite, et j'implore la nature universelle qu'elle daigne conserver longtemps ce réservoir de pensées heureuses dans lequel elle s'est complu.
Je trouve d'Étallonde bien heureux de se trouver à la source d'où nous viennent tant de chefs-d'œuvre; il peut prendre hardiment quel titre il trouvera le plus convenable pour l'aider à sauver les débris de sa fortune. D'Alembert me mande que la robe ne marche qu'à pas comptés, et qu'il faut des années pour réparer des injustices d'un moment; si cela est, il faudra se munir de patience, à moins que vous n'alliez à Paris, comme tout le monde le dit, et que, à force d'employer les grands talents que la nature vous a octroyés, vous ne parveniez à sauver l'innocence opprimée. Cela fournira le sujet d'une tragédie larmoyante; la scène sera à Ferney. Un malheureux, qui manque de protecteurs, y sera appelé par un sage; il sera étonné de trouver plus de secours chez un étranger que chez ses parents. Le philosophe de Ferney, par humanité, travaillera si efficacement pour lui, que Louis XVI dira : Puisqu'un sage le protége, il faut qu'il soit innocent; et il lui enverra sa grâce. Une arrière-cousine, dont Étallonde était amoureux, sera chargée de la lui apporter; elle arrivera au dernier acte. Le philosophe humain célébrera les noces, et tous les conviés feront l'éloge de la bienfaisance de cet homme divin, auquel d'Étallonde érigera un autel, comme à son dieu secourable.
Ce sujet, entre des mains habiles, pourrait produire beaucoup d'intérêt, et fournir des scènes touchantes et attendrissantes. Mais ce n'est pas à moi d'envoyer des sujets à celui qui possède un trésor d'imagination, et qui, comme Jupiter, accouche par la tête de déesses armées de toutes pièces. Enfin, quelque part que vous soyez, soit à Ferney, soit à Versailles, n'oubliez pas le solitaire de Sans-Souci, qui vous sera toujours redevable du beau don que vous lui avez fait. Vale.