<393>Les jésuites devaient me persécuter en conscience; car, avant qu'on les chassât de France et d'Espagne, je les avais chassés de mon voisinage. Ils s'étaient emparés, sur la frontière de Berne, du bien de sept gentilshommes, nommés MM. de Crassi, tous frères, tous au service du roi de France, tous mineurs, tous très-pauvres. J'eus le bonheur de consigner l'argent nécessaire pour les faire rentrer dans leur terre usurpée par les jésuites. Saint Ignace ne m'a point pardonné cette impiété. Depuis ce temps, Fréron refait la Henriade avec La Beaumelle; Paulian écrit contre l'empereur Julien et contre moi; Nonotte m'accuse, en deux gros volumes, d'avoir trouvé mauvais que le grand Constantin ait autrefois assassiné son beau-père, son beau-frère, son neveu, son fils, et sa femme. J'ai eu la faiblesse de répondre quelquefois à ces animaux-là; les éditeurs ont eu la sottise de réimprimer ces pauvretés, dont personne ne se soucie.
Je prie V. M. de faire de ces fatras ce que je lui ai vu faire de tant de livres; elle prenait des ciseaux, coupait toutes les pages qui l'ennuyaient, conservait celles qui pouvaient l'amuser, et réduisait ainsi trente volumes à un ou deux : méthode excellente pour nous guérir de la rage de trop écrire.
Voilà donc, Sire, le baron de Pöllnitz mort; il écrivait aussi. C'est par là qu'il faut que nous finissions tous, les Fréron, les Nonotte, et moi. Il n'en restera rien du tout. Il n'y a que certains noms qui se sauveront du néant, comme, par exemple, un Gustave-Adolphe, et un autre très-supérieur, à mon avis, dont je baise de loin les mains victorieuses, qui ont écrit des choses si ingénieuses et si utiles, qui protégent l'innocence, et qui répandent les bienfaits.